vendredi 11 mai 2007

La Civilisation Musulmane

Il est un fait historiquement établi, incontestable, qu'à partir du VIIIe siècle et jusqu'au milieu du XIIIe siècle, les pays de l'Islam sont les plus civilisés de l'Europe et de l'Asie Antérieure.
Bagdad et Cordoue sont, à cette époque, les villes les plus opulentes, où les richesses du monde affluent, où le négoce est actif, les métiers prospères.
Elles sont, aussi et surtout, des centres d'une vie intellectuelle intense, foyers lumineux de civilisation, où une floraison incomparable des sciences, des arts et de la littérature attire les savants et les artistes de tous les coins de l'univers.
Si la valeur morale d'une civilisation s'exprime par son œuvre créatrice, par la richesse de son apport dans le domaine de l'esprit et les progrès matériels réalisés, force nous est de reconnaître que les cinq premiers siècles de l'Islam furent une des plus grandes époques de l'histoire universelle.
Cet épanouissement de vie spirituelle s'explique aisément par l'énergie et le goût de l'action que la révolution musulmane comportait, par les brillantes qualités intellectuelles et artistiques des Arabes et des Persans, qui furent l'avant de la civilisation de l'Islam et, enfin et surtout, par l'attitude de la religion musulmane à l'égard des sciences.
Voici quelques versets du Coran qui illustrent cette attitude :
" Celui à qui a été donné la science a obtenu un grand bien. " (Coran II. 272).
" Ceux qui savent sont-ils comparables à ceux qui ne savent pas ? " (Coran XXXIX. 12).
" L'aveugle n'est pas comparable à celui qui voit, il en est de même des ténébres et de la lumière, de l'ombre et de la chaleur. " (Coran XXXV. 20).
" Parcourez la terre et voyez comment Dieu a produit la création " (Coran XXIX. 19).
" A ceux qui sont fermes dans la connaissance nous donnerons une récompense magnifique. " (Coran IV. 162).
Plus d'une fois le Coran revient sur la connaissance intellectuelle des choses (ilm) qui doit guider le croyant dans la vie. Il l'oppose au (Hawa) l'instinct irraisonné qui pousse le pécheur à sa perte. Multiples sont les hadiths qui exaltent la science et encouragent les fidèles à s'instruire.
S'instruire est un devoir pour chaque Musulman et chaque Musulmane " affirme le Prophète.
" Cherchez la science, du berceau jusqu'au tombeau ". (Hadith)
" Recherchez la science, même si vous deviez aller en Chine pour la trouver ". (Hadith)
" Les savants sont les héritiers des prophètes " (Hadith)
" Celui qui aime Dieu comprend la religion par les sciences et, pour acquérir les sciences, il faut étudier. " (Hadith).
" Il ne faut pas que l'ignorant garde son ignorance et il ne faut pas que le savant garde pour lui seul sa science. "
Prenez la sagesse sans vous inquiéter du récipient qui le contient ".
" Qui s'engage dans la voie de l'étude, Dieu le conduit dans la voie du Paradis ".
Abû Zor rapporte, qu'interrogé sur la valeur respective des études et de la dévotion le Prophète a répondu : " Assister aux leçons d'un savant est plus méritoire que de faire mille génuflexions, que de visiter mille malades, que de suivre mille enterrements ". On lui demanda : " Ô, Prophète de Dieu, serait-ce plus méritoire que de lire le Coran ? " ; et Mohammed répondit : " Le Coran pourrait-il servir sans la science ? ".
Terminant ces citations par une sentence admirable d'Ali, quatrième khalife, cousin et gendre du Prophète : " La science est l'ouaille égarée du Musulman. Reprends-la, serait-ce chez les Mécréants. "
Une telle profession de foi dans les bienfaits des sciences devrait passer sans commentaires.
Certains adversaires de l'Islam ont prétendu cependant que la religion musulmane constituait un obstacle au progrès scientifique et même à l'instruction.
Ernest Renan lui-même, a cru pouvoir donner son appui momentané à cette thèse, mais un observateur aussi avisé et aussi subtil ne pouvait rester sur une affirmation tellement contraire aux témoignages les plus authentiques de l'histoire.
Au cours de la conférence même, faite à la Sorbonne le 29 mars 1883, pour démontrer l'incompatibilité de l'Islam avec la science, le grand écrivain se trouva dans l'obligation de reconnaître, et l'état prospère des sciences dans les pays musulmans, au cours de plusieurs siècles, et l'influence durable que les penseurs musulmans ont exercée sur l'Europe au cours du Moyen Age :
Oui, de l'an 775, à peu près, jusque vers le milieu du treizième siècle, c'est-à-dire pendant 500 ans, constate Renan, il y a eu dans les pays musulmans des savants, des penseurs très distingués. Dès le onzième siècle, Constantin l'Africain est supérieur en connaissance à son temps et à son pays, parce qu'il a reçu une éducation musulmane. De 1130 à 1150 un collège actif de traducteurs, établi à Tolède sous le patronage de l'archevêque Raymond, fait traduire en latin les ouvrages les plus importants de la science arabe. Dès les premières années du treizième siècle, l'Aristote arabe fait dans l'université de Paris son entrée triomphale ".
Renan déplore ensuite le bigotisme ignorant des Byzantins, qui a empêché la civilisation antique, dont ils étaient dépositaires, de pénétrer directement en Occident :
" Ah ! si les Byzantins avaient voulu être gardiens moins jaloux des trésors qu'à ce moment ils ne lisaient guère ; si, dès le huitième ou le neuvième siècle, il y avait eu des Bessarion et des Lascaris ! On n'aurait pas eu besoin de ce détour étrange qui fit que la science grecque nous arriva au douzième siècle, en passant par la Syrie, par Bagdad, par Cordoue, par Tolède. "
On pourrait longuement épiloguer sur ce " si " désabusé de l'illustre écrivain.
La conférence de Renan eut un retentissement considérable à l'époque. Elle provoqua une remarquable lettre de Djamel ed-Dine Afghani, penseur et homme politique musulman bien connu, dans le " Journal des Débat ". Le Mufti de Kazan, Akhound Bajazitov lui consacra tout un livre.
Cette conférence, qui marque de curieuses défaillances d'un esprit aussi pénétrant et lucide que Renan, suscita une observation intéressante de Gustave Le Bon.

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